Une rencontre
Une silhouette. Noire. Fine. La démarche est sure, je mécroule encore plus bas. Apparition, peau blanche, cheveux noirs, des yeux dacier. Elle non plus nest pas dici. Je lui balance « comment ça va ? » les mots sortent mal, ma voix me semble étrange, incompréhensible. Un sourire dédaigneux sur les lèvres elle répond « très bien et toi ? » ; elle sest arrêtée. Elle me regarde en silence, tout chez elle me balance son mépris à la gueule : la manière dont elle se tient, la manière dont elle regarde, lintonation quelle a pris pour me dire quatre mots « très bien et toi ? » Mais quest ce quelle me veut ? Pas maider cest une certitude. Me regarder crever là ? Oui, ce serait bien ça, je suis sur que ça la fait frémir de me voir à ses pieds en train dagoniser ou presque. Pourquoi ai-je honte dêtre dans cette état tout dun coup ? Je lui balance cette idée qui me torture maintenant « Jai honte ! » Et je le répète, je les cris ces deux mots qui ne veulent rien dire, qui démontre que je ne suis plus capable de réfléchir. Je ne vois que les talons de ses chaussures, ses chevilles. Jai la force de me relever bizarrement Comment tu tappelles ? Jai lair con. Toujours le même rictus sur ses lèvres Comme tu voudras, toujours cette même intonation lancinante, méprisante Sarah, alors. Je la suis je ne sais même pas où, dans les rues, sur les quais, les enseignes lumineuses me donnent mal au crâne, il y a trop de bruit dans ce quartier, jai les tympans qui explosent. Cest absurde, je me mets dans les pas de Sarah, un phantôme. Je me demande si ce nest pas juste une construction de mon imagination malade.
Il ny a plus de vie dans les rues où elle me mène. Juste des arbres dont les ombres dessinent des formes allucinantes sur les murs Sur les trottoirs des formes immobiles se dessinent sous des draps colorés, troués, sales des corps couchés sur des mateles crevés , sur des couvertures déchirées ou à même le sol, à même la poussière, aux pieds des marcheurs nocturnes qui ne les voient même pas, eux non plus ne semblent pas vivants. Des chiens efflanqués et puants couchés à leurs côtés, bien plus vivants que les corps contre lesquels ils sallongent, des chiens qui grondent quand on les approchent, qui vous lèchent les mains si vous leur donnez quelque chose, cest vénal un chien. Je monte des marches avec elle ; un escalier sordide qui grince. Je manque de meffondrer à chaque pas, jai encore envie de vomir, lalcool ne passe pas décidément ce soir. Je passerais finalement la nuit avec elle.